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lundi 19 mars 2018

Communiqué du Bureau Central de l’AMDH concernant les événements de Jerada.



Communiqué du Bureau Central de l’Association Marocaine des Droits Humains concernant les événements de Jerada.

La ville de Jerada connait depuis le mois de décembre dernier des manifestations pacifiques continues déclenchées par la hausse des prix des factures d’eau et d’électricité. Cette mobilisation s’est répandue dans toute la ville et s’est amplifiée suite au décès de deux citoyens frères, le 22 décembre 2017, dans un puits « sauvage » d’extraction de charbon. Le 1er février, une autre personne est décédée dans les mêmes conditions. Depuis, la mobilisation a continué, maintenant son caractère pacifique et revendiquant des droits sociaux et économiques dont la légitimité a été reconnue par tout le monde. Il s’agit du droit à une alternative économique qui puisse assurer une vie digne pour tou-te-s, et de demander des comptes aux personnes responsables de la détérioration des conditions dans laquelle s’est retrouvée la ville de Jerada.
Malheureusement, les autorités, comme à l’accoutumé, ont opté pour l’approche sécuritaire et répressive, qui confirme leur incapacité à gérer d’une manière réaliste et adaptée de telles situations. Elles ont décidé d’interdire les manifestations, par l’usage de la force, et ce depuis le 14 mars 2018, sans se soucier des conséquences humaines que cela pourrait engendrer dans le rang des manifestant-e-s et des forces de l’ordre ; surtout que des ouvriers avaient décidé d’observer des sit-in à l’intérieur des puits miniers comme forme de protestation contre l’usage de la force.
Tout en soulignant le climat de non confiance et la dislocation que l’approche sécuritaire des autorités face au mouvement populaire dans le Rif a créé dans les rapports entre l’Etat et les citoyens et citoyennes, le Bureau Central de l’AMDH suit de près l’évolution des évènements tragiques dans la ville de Jerada, et déclare ce qui suit :
  • Apporte son soutien à la population de Jerada dans sa lutte pour ses revendications légitimes et son droit à des mesures alternatives urgentes qui puissent assurer aux citoyennes et citoyens une vie digne, un développement durable, une stabilité économique et sociale et du travail pour tou-te-s.
  • Exprime sa préoccupation devant la volte-face des autorités vis-à-vis de leur dialogue avec les habitant-e-s de Jerada, en privilégiant l’approche sécuritaire et l’interdiction des manifestations pacifiques, la dispersion à l’aide des véhicules des forces de sécurités des manifestants, la répression et les arrestations arbitraires.
  • Alerte l’État sur sa responsabilité face aux conséquences de l’approche sécuritaire qui ne fera qu’aggraver la situation et qui risque d’entraîner une augmentation du nombre de victimes et des tensions suite aux arrestations et au climat de colère qui en découlera.
  • Exprime son étonnement face au silence du gouvernement, et sa lenteur pour traiter les revendications et la mise en œuvre des promesses tenues suite aux dialogues que les responsables ont eu avec les habitant-e-s, et ce malgré qu’ils aient reconnu la légitimité des revendications de la population, misant sur l’usure par le temps du mouvement en attendant le moment de s’en débarrasser.
  • Appelle l’Etat à revenir au dialogue et à tenir ses engagements, répondant aux revendications du mouvement populaire de Jerada, qui rendraient à la ville le rayonnement et la dynamique qu’elle a perdus après la fermeture de la société minière, en l’absence d’alternatives économiques pouvant assurer une vie digne aux habitant-e-s et maintenir les droits acquis par les travailleurs des mines grâce à leurs luttes et sacrifices pendant des décennies.
  • Réclame la nécessité d’ouvrir des enquêtes concernant les crimes économiques à Jerada, la traduction en justice des véritables bénéficiaires qui se sont enrichis de l’extraction « clandestine » du charbon et des tragédies qui s’en sont découlées ; et d’indemnisation des victimes des puits « clandestins » et de leurs familles.
  • Appelle à la libération des détenus, à l’apaisement des tensions dans la ville, au respect du droit à la manifestation pacifique, à la cessation de l’usage de l’approche sécuritaire et à l’élaboration de plans et d’initiatives visant à mettre en œuvre de vraies solutions et calmer les tensions.
  • Lance un appel aux mouvements des droits humains et à toutes les forces démocratiques au Maroc à soutenir le mouvement social de Jerada ainsi que tous les autres mouvements sociaux, en appuyant leurs revendications, et en exigeant la cessation de tous les abus et les violations des droits et libertés des citoyens et citoyennes.
Le bureau central, Rabat, le 14 mars 2018

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